Apprentissage moral et fiction : émergence d’une littérature à l’usage de la jeunesse au siècle des Lumières
Conférence d’Andréanne Audy-Trottier (postdoctorante à l’université Paris-Est Créteil)
Les pédagogues de l’époque moderne ont longtemps utilisé le plaisir que procure la lecture de récits historiques et le processus d’identification du lecteur au personnage du récit afin de transmettre des connaissances historiques et morales. Cependant, au siècle des Lumières, la fiction tend progressivement à se substituer à l’histoire, notamment parce qu’elle peut, contrairement à l’histoire, présenter des modèles parfaitement vertueux. De plus, la fiction permet de peindre différents caractères, décuplant alors le nombre d’expériences vécues et permettant d’observer et de réfléchir sur une grande diversité d’actions et de situations. Elle participe ainsi du savoir moral, en favorisant la connaissance de soi et l’acquisition de la prudence et de la sagesse, deux vertus essentielles dans la société d’Ancien Régime. Par ailleurs, la fiction a également le pouvoir de rendre sensibles les principes les plus abstraits, c’est-à-dire qu’elle permet d’illustrer dans l’imaginaire de l’enfant des maximes et des règles de conduite en leur donnant un visage et une voix auxquels il peut ensuite s’identifier. Cependant, les pédagogues qui veulent utiliser la fiction dans l’apprentissage moral de l’enfant constatent que le nombre d’ouvrages d’imagination pouvant être utilisés avec les enfants se limite à quelques titres. C’est à partir de ce moment qu’émerge, dans les traités d’éducation du siècle des Lumières, une volonté de créer ce corpus destiné spécifiquement à l’enfant.